Attribution de la subvention Del Duca 2025 à Rodolphe Le Targat

18 septembre 2025 Attribution de la subvention Del Duca 2025 à Rodolphe Le Targat

L’Académie des sciences décerne la subvention Del Duca 2025 « Sciences de l’Univers et leurs applications » à Rodolphe Le Targat (Laboratoire temps espace (LTE), équipe Fréquences optiques).

Depuis 1975, la fondation Simone et Cino Del Duca distribue des subventions pour favoriser le rayonnement des sciences, des arts et des lettres en France et à l’étranger. Elle est hébergée depuis 2005 par l’Institut de France.

Cette année, le jury constitué de membres de l’Académie des sciences a décerné à Rodolphe Le Targat (Laboratoire temps espace, équipe Fréquences optiques), la subvention scientifique Del Duca 2025 pour la catégorie « Sciences de l’Univers et leurs applications ». Ce prix récompense ses travaux sur les horloges optiques transportables (projet ROYMAGE), capables de cartographier l’espace-temps pour contribuer à la géodésie chronométrique.

Équipe Ytterbium du Laboratoire temps espace, devant l’horloge transportable ROYMAGE

Depuis les années 1970, les horloges atomiques basées sur la fréquence de la transition micro-onde du césium sont les gardiennes de l’exactitude du temps atomique international. Cette fréquence de référence, quasi immuable de par la nature même de la structure énergétique des atomes, est contrôlée jusqu’à un niveau de 16 chiffres significatifs par les meilleures horloges à césium du monde (fontaines micro-ondes).

Au tournant des années 2000, un nouveau champ de recherche a vu le jour : quelques groupes pionniers dans le monde, dont le LTE, ont débuté le développement d’horloges basées sur des pièges de lumière ultra profonds (réseau optiques), pour refroidir des gaz d’espèces alors inexploitées (Sr, Hg, Yb …) et ainsi explorer des transitions dans le domaine optique (fréquence 100 000 fois plus élevée). Les progrès ont été d’une telle rapidité qu’il est désormais possible de maîtriser cette fréquence de référence au niveau de 18 chiffres significatifs, avec une résolution statistique inégalable puisque des milliers de ces atomes neutres peuvent être interrogés en même temps. L’effervescence dans la communauté temps-fréquence, portée par les progrès parallèles enregistrés par une dizaine de laboratoires dans le monde, est telle qu’une nouvelle définition de la seconde verra le jour en 2030 ou 2034. Le LTE prend une part prépondérante dans la préparation de ce « saut » à venir : il est chargé par le LNE(Laboratoire National de Métrologie et d’Essais) d’exploiter les horloges atomiques françaises de haute exactitude – actuellement au nombre de 8 – et de produire et disséminer l’échelle de temps UTC(OP).

Bien au-delà du simple intérêt métrologique, ces avancées ouvrent la porte à de nombreuses applications, jusqu’alors inenvisageables : tests pour tenter de déceler de minimes déviations aux lois de la physique fondamentale, recherche de matière noire ou encore détermination de la forme du potentiel gravitationnel terrestre.

Pièce magnéto optique d’ytterbium, au centre de la chambre à vide de l’instrument ROYMAGE

En 2021, le Laboratoire temps espace a débuté la construction d’horloges à réseau optiques transportables basées sur l’ytterbium (projet ROYMAGE), avec le but de contribuer à la géodésie chronométrique, science qui mesure la forme de la Terre grâce aux données d’horloges. C’est par le biais d’un effet de relativité générale connu sous le nom de dilatation gravitationnelle du temps que la fréquence des atomes dépend du géopotentiel local. Ainsi, en comparant à distance deux horloges, on peut mesurer la différence de potentiel, et donc d’altitude, entre ces deux instruments : un écart fractionnel de fréquence de 1×10−18 correspond à un changement de hauteur de 1 cm. Ce projet s’appuie sur le réseau fibré REFIMEVE, qui dissémine une porteuse infra-rouge à 1542 nm ultra-bas bruit et exacte, à de nombreux acteurs académiques, industriels, civils ou des agences spatiales. Ce signal est disponible sur une large partie du territoire métropolitain, avec des connexions aux réseaux allemand, anglais et italien. Des instruments transportables positionnés le long de ce réseau pourront ainsi être comparés à la douzaine d’horloges optiques stationnaires actuellement en opération en Europe.

L’exploitation de ces comparaisons par la communauté géodésique permettra de contribuer à la connaissance du géoïde terrestre, équipotentielle de référence dont la réalisation est un prérequis essentiel à une nouvelle définition de la seconde. Elle sera également un nouvel outil pour l’unification des systèmes de référence verticaux entre pays, ou encore la détection d’événements naturels affectant le géopotentiel, qu’ils soient brutaux (tsunamis, tremblements de Terre) ou perceptibles seulement sur le long terme (montée du niveau des océans).

C’est donc la capacité des horloges à cartographier l’espace-temps qui est récompensée cette année par le jury de l’Académie des sciences. Cette application directe de la mécanique quantique aux sciences de la Terre met en lumière l’utilisation de capteurs quantiques de nouvelle génération autant pour la recherche fondamentale que pour les problématiques technologiques ou sociétales.

Le LTE, UMR 8255 (Observatoire de Paris PSL - CNRS - Sorbonne Université - LNE - Univ Lille) est né en janvier 2025 de la fusion du SYRTE (Systèmes de références temps-espace) et de l’IMCCE (Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides).

Le projet ROYMAGE est une collaboration entre le LTE, l’IPGP, l’IGN et le SHOM. Il est financé par l’Agence nationale pour la recherche (ANR-20-CE47-0006), le programme EMP d’EURAMET, le CNES, le labex First-TF, le conseil scientifique de l’Observatoire de Paris, le programme national GRAM, le DIM SIRTEQ, le DIM QUANTIP et la Fondation Del Duca.

Contact

Rodolphe Le Targat, chercheur LNE au Laboratoire temps espace
Rodolphe.Letargat@observatoiredeparis.psl.eu