Un nouveau regard sur Vesta

30 juin 2025 Un nouveau regard sur Vesta

Les observations géodésiques de Vesta par la sonde Dawn révèlent la présence d’un petit noyau et remettent en question le scénario de formation de cette protoplanète.

Vesta est un corps primitif, une protoplanète, qui orbite dans la ceinture principale d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. C’est le deuxième plus gros corps avec un rayon moyen de l’ordre de 270 km. Une récente étude, parue dans la revue Nature, et dont l’un des auteurs est membre du LTE, révèle une structure interne inattendue qui ouvre de nouveaux scénarios de formation pour ce corps.

Du 16 juillet 2011 au 5 septembre 2012, la mission spatiale Dawn de la NASA s’est mise en orbite autour de cet astéroïde pour effectuer des mesures de géodésie à partir de l’expérience de radioscience, et de la caméra à bord.

L’expérience de radioscience consiste à mesurer le décalage Doppler (variation de la fréquence) et le temps mis par le signal radio de télécommunication entre une sonde en orbite autour d’un autre corps et une antenne terrestre. De ces mesures, il est alors possible d’extraire la vitesse de la sonde le long de la ligne de visée ainsi que sa distance par rapport à la Terre. Ces informations servent ensuite à déterminer la trajectoire de la sonde autour du corps. La trajectoire perturbée de la sonde dépend du champ gravitationnel de Vesta qui est ainsi déduit.

Les images issues de la caméra ont permis non seulement de montrer une surface cratérisée, mais aussi de reconstruire la forme globale de l’astéroïde. Celle-ci correspond à un ellipsoïde aplati suivant une forme d’orange. En combinant les données de topographie, du champ gravitationnel et du mouvement de rotation, les auteurs de l’article ont pu étudier les propriétés de Vesta afin d’en savoir plus sur son intérieur.

La mesure du mouvement de rotation, extraite à partir des images successives de la surface, s’est révélée particulièrement précieuse, car elle a permis, en combinaison avec les données du champ gravitationnel, de déterminer le moment d’inertie de Vesta.

À quoi correspond le moment d’inertie d’un astre et pourquoi est-il intéressant de le connaître ?
Le moment d’inertie est une quantité physique qui représente la résistance d’un corps aux couples de force et qui dépend de la distribution de masse à l’intérieur d’un corps. Cette quantité influence donc le mouvement de rotation. Par exemple, lorsqu’un patineur sur glace tourne sur lui-même avec les bras tendus vers l’extérieur et qu’il ramène ses bras le long de son corps, il diminue son moment d’inertie et en même temps augmente sa vitesse de rotation (par conservation du moment cinétique). Par analogie, la mesure de la vitesse de rotation permet de déterminer le moment d’inertie de Vesta et ainsi de comprendre la répartition de masse à l’intérieur de celui-ci. Si son inertie est faible, il y aura alors une concentration de masse plus forte vers son centre. Si elle est élevée, la masse sera alors répartie plus uniformément dans le corps.

À partir de la distribution de masse à l’intérieur du corps et avec les données du champ gravitationnel et de topographie, les auteurs de l’étude ont pu déduire un profil de densité réaliste. Ils ont montré que l’intérieur de Vesta serait moins différencié que ce que l’on attendait. Le noyau de Vesta serait environ deux fois plus petit que ce qui était prédit dans les études précédentes et son manteau est donc plus épais et plus dense.

Deux hypothèses sur la formation de Vesta sont alors proposées pour expliquer ces résultats inattendus.

La première hypothèse avance l’idée que Vesta se soit formée plus tardivement, ne laissant pas le temps à l’intérieur de Vesta de se différencier complètement.

La seconde hypothèse propose que Vesta soit le reste d’un corps plus gros, résultat d’une collision catastrophique. Cette hypothèse serait intéressante, car elle permettrait de penser que des protoplanètes plus grosses ont pu exister et que l’effet de collision a pu être important lors de la formation primordiale.

Vesta n’est pas une planète naine, car selon les définitions de l’Union astronomique internationale (UAI), la forme d’une planète naine correspond à l’équilibre hydrostatique, or ce n’est pas le cas de Vesta dont les hémisphères nord et sud ne sont pas symétriques. L’hémisphère sud présente des cratères issus de deux collisions majeures. Vesta serait donc le vestige d’une planète naine dont le processus de formation aurait été interrompu.

La méthode employée peut s’appliquer à l’ensemble des astéroïdes et petits corps, ce qui nous réserve sans nul doute encore de nombreuses surprises !

Lire le communiqué de presse de la NASA.

Lire l’article : « A small core in Vesta inferred from Dawn’s observations »

Écouter l’émission du 12 mai sur France Culture « Comment l’astéroïde Vesta a failli être une planète ? ».

Crédits image : NASA/JPL/MPS/DLR/IDA/B.Jónsson