Les découvertes inattendues d’anneaux autour de petits corps du Système solaire se succèdent depuis 2013. Cette année-là des anneaux denses sont découverts autour du centaure Chariklo, puis en 2017 autour de la planète naine Haumea, et plus récemment (2022) autour de l’objet transneptunien Quaoar. Loin d’être réservés aux quatre planètes géantes, les anneaux sont probablement fréquents autour des petits objets du Système solaire externe, comme le montre la présente découverte d’anneaux autour de Chiron.
Chiron est un corps d’environ 200 km de diamètre. Il est de type « centaure », un objet provenant de la ceinture de Kuiper qui s’étend au-delà de l’orbite de Neptune. Suite à des perturbations causées par les planètes géantes, Chiron se trouve actuellement sur une orbite dynamiquement instable comprise entre Saturne et Uranus. En 2022, une occultation stellaire par Chiron observée en Égypte et en Israël avait montré la présence de matériau dense et confiné immergé dans un halo diffus. En 2023, des observations plus précises, obtenues entre autres avec un télescope de 1,6 mètre de diamètre à l’observatoire Pico dos Dias au Brésil, ont révélé que ce matériau se distribue en fait en un disque de structure complexe entourant Chiron.
Légende : Vue d’artiste des anneaux de Chiron, reconstituée à partir de l’observation d’une occultation stellaire en 2023. Les trois anneaux apparaissent comme des concentrations de matière, l’anneau central étant lui-même scindé en deux anneaux très proches. Un halo de matière entoure les deux anneaux intérieurs et un anneau diffus externe entoure tout le système. 
Crédits : Alexandre Crispim, UTFPR (Federal University of Technology - Paraná, Curitiba)
Structure des anneaux de Chiron
L’analyse des données du Pico dos Dias montre la présence de trois anneaux denses entourant Chiron, d’épaisseurs optiques variant entre 5% et 30%. Ils sont confinés radialement sur quelques kilomètres et orbitent respectivement à 273 km, 325km et 438 km du centre de Chiron. Ces anneaux sont eux-mêmes immergés dans un halo de matériau plus diffus d’épaisseur optique inférieure à 2% qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres. Enfin, le système entier est bordé à l’extérieur par une structure d’une centaine de kilomètres de large et de faible épaisseur optique d’environ 0,1%.
Chiron est semblable en termes de taille et de paramètres orbitaux à un autre centaure, Chariklo. Ce dernier est entouré de deux anneaux dont le principal est très dense, voire opaque en certains points de son orbite. Depuis sa découverte en 2013, cet anneau est resté inchangé aussi bien en termes de rayon que de structure radiale. Les anneaux de Chiron se distinguent de ceux de Chariklo par une variabilité temporelle. Par exemple, une occultation stellaire par Chiron observée en 2011 montre du matériau dense près du rayon orbital 300 km, mais ne révèle pas d’autres structures denses ni de halo diffus.
Cette différence pourrait être expliquée par le fait que, contrairement à Chariklo, Chiron présente une activité cométaire sporadique au cours de laquelle du matériau est éjecté du corps. La masse de Chiron serait assez importante pour que ce matériau ne s’échappe pas à l’infini, mais reste au contraire autour du corps, formant rapidement un disque, puis des anneaux étroits, une partie d’un matériau retombant par ailleurs à la surface du corps.
Le confinement d’anneaux autour de certains rayons précis pourrait alors être dû à des résonances de type « spin-orbite », impliquant une commensurabilité entre la période de rotation du corps et la période de révolution des particules des anneaux. À ce titre, il est intéressant de noter que les anneaux de Chariklo, Hauméa et Quaoar sont tous proches de la résonance spin-orbite 1/3 avec le corps central, ce dernier effectuant trois rotations lorsque les particules des anneaux complètent une révolution orbitale. Une estimation précise de la masse de Chiron (qui n’est actuellement pas disponible) pourrait fournir les rayons correspondant aux résonances spin-orbite, et ainsi confirmer le lien dynamique entre le corps et ses anneaux.
Le matériau observé en 2013 autour de Chiron pourrait fournir pour la première fois un exemple précieux d’un système d’anneaux en pleine phase de formation. Il pourrait donc nous renseigner sur la manière avec laquelle d’autres systèmes d’anneaux pérennes ont pu apparaître autour des planètes géantes et autour de petits corps.
Références
L’article est publié sous le titre : “The Rings of (2060) Chiron : Evidence of an Evolving System“ dans la revue The Astrophysical Journal Letters en date du 20 octobre 2025.
Consulter l’article.
Consulter le Communiqué de presse de l’Observatoire National de Rio de Janeiro (Brésil).
Cette recherche a été partiellement financée par le projet « Roche » de l’Agence Nationale de la Recherche ANR-23-CE49-0012. Elle est le fruit d’activités scientifiques menées entre autres en France, à l’Observatoire de Paris - PSL au Laboratoire Temps et Espace (Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université / Université de Lille), au Laboratoire d’Instrumentation et de Recherche en Astrophysique (Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université, Université Paris Cité), au Brésil (Observatoire National de Rio de Janeiro Université Fédérale de Rio de Janeiro, Université Fédérale de Technologie à Curitiba) et en Espagne (Institut d’Astrophysique d’Andalousie, Grenade). Ces activités se déroulent dans le cadre du projet « Lucky Star » qui inclut des collaborateurs professionnels et amateurs du monde entier.
Contacts
Bruno Sicardy
Professeur des universités SU, LTE
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Chargée de recherche CNRS , LIRA
damya.souami@observatoiredeparis.psl.eu
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Josselin Desmars
Enseignant chercheur, IPSA et LTE
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